Il y a d'abord eu le réalisateur Bryan Singer, la voix éraillée et le naturel de celui qui sort du lit mais sait qu'il est maintenant en représentation. Kate Bosworth, la nouvelle Lois Lane, a suivi, tout en mèches blondes et en décolleté plongeant sur... son sternum et ses côtes. Ça a ensuite été le tour de Parker Posey, alias Kitty Kowalski, en dentelles écrues et poses étudiées. Bref, il y avait de l'opération marketing et de l'affectation dans la salle où les «recevait» une poignée de journalistes.
Superman est-il gai?
Peut-être pour cela que le joueur suivant, simple et souriant, est passé quasi inaperçu. Les regards se sont d'abord portés sur la nuée de filles pimpantes qui, soudain, se sont mises à papillonner dans la pièce. Avant d'apercevoir le grand garçon qui les accompagnait. La star, c'était lui. Brandon Routh, le nouveau visage... et tout le reste, de Superman.
Jusqu'ici, un inconnu. Ses hauts faits d'armes à l'écran? Un rôle dans Karla de Joel Bender, et des apparitions dans les séries Cold Case, Will & Grace, Gilmore Girls. «Il était clair pour moi que l'acteur qui incarnerait Superman ne pourrait avoir le bagage d'une star», indique Bryan Singer, l'homme à la barre de Superman Returns. «Parce que Superman est plus gros que toutes les stars. Il a sa propre histoire, sa propre biographie et il est là depuis plus longtemps que n'importe quel acteur. J'avais besoin de quelqu'un qui rassemblerait les images collectives que nous avons tous du personnage.»
Ce quelqu'un est né en 1979, mesure 1,91 m et a grandi en Iowa, entre une mère enseignante et un père charpentier. Un bagage familial et des valeurs qui ressemblent à ceux de Clark Kent, l'orphelin des étoiles élevé par Jonathan et Martha Kent sur une ferme du Kansas. «Courir dans les champs de maïs, je connais», rigole le jeune homme qui, dès son arrivée à Los Angeles avec l'idée de devenir acteur, s'est fait dire par son agent qu'il ressemblait à Christopher Reeve, le Superman des années 70-80... que le réalisateur Richard Donner avait choisi pour des raisons semblables à celles qu'invoque Bryan Singer.
Brandon Routh a donc passé une audition pour le rôle principal dans la série Smallville, où l'on suit l'adolescence de Clark Kent. Le rôle est finalement allé à Tom Welling. Mais le personnage a continué à tourner dans sa tête. «Pour moi, Superman est ce que tout homme ou toute femme aspire à être», indique le comédien qui, au-delà des prouesses physiques du personnage, a travaillé le parcours émotif de l'homme d'acier. «Il a la force de sauver le monde mais il ne sait pas comment se comporter dans les choses du coeur. C'est ce conflit-là que l'on suit», indique Kate Bosworth.
Pour le creuser, Bryan Singer a immédiatement pensé à l'histoire d'un retour. Chronologiquement placé après Superman II, Superman Returns commence en effet par... un retour. L'homme d'acier a quitté la Terre pendant cinq ans. Un pèlerinage vers Krypton. Afin de vérifier que sa planète natale a bel et bien été détruite. Elle l'a été. «Il n'a d'autre choix que d'accepter sa responsabilité, son destin, qui est d'être le plus grand protecteur de la Terre. Et des humains», fait Brandon Routh.
Cette idée est celle qu'ont acheté les grands bonzes de Warner, qui en ont vu de toutes les couleurs avec le projet Superman. Un scénario de J.J. Abrams (Lost, Mission: Impossible III) a été abandonné. Le réalisateur McG (Charlie's Angels) a quitté le navire. Une rumeur a mis Tim Burton a sa barre. «J'étais en contact avec Warner parce ce que je développais le remake de Logan's Run pour eux, raconte Bryan Singer. Je leur ai pitché mon idée pendant 40 minutes. Deux heures après, nous avions une entente.» Qui l'a occupée pendant deux ans à temps plein, l'obligeant à abandonner X-Men 3 et Logan's Run... qu'il réalisera finalement peut-être, selon l'échéancier du projet. Il verra après les vacances.
Pendant l'absence du superhéros, le monde a changé. Le monde en général. Lois Lane en particulier. Elle a eu un enfant... dont l'âge n'est pas précisé mais qui semble avoir quatre ans. Elle a un fiancé. Elle en veut à Superman. «C'était le moyen, pour nous, d'aller plus loin dans l'émotion. Mettre l'homme d'acier en présence d'obstacles qu'il ne pourrait surmonter avec sa force physique», note Dan Harris, qui a signé le scénario avec Michael Dougherty - son complice sur X2 et Logan's Run.
Mais, entendons-nous, Superman a quand même à jouer du muscle dans le long métrage! Rattraper un avion en perdition (une scène particulièrement percutante en IMAX 3D, comme La Presse a pu s'en rendre compte), expédier une île dans l'espace et autres bagatelles. Le responsable: Lex Luthor, ici incarné par Kevin Spacey - que Bryan Singer a dirigé dans The Usual Suspects. «Je l'ai eu en tête dès que j'ai obtenu le projet, fait le réalisateur. Il a le cynisme dont j'avais besoin pour créer un Lex plus sombre, plus aigri, plus revanchard que dans les premiers films.»
L'idée a plu à l'acteur, qui s'est fait un devoir de ne pas regarder la performance de Gene Hackman dans le rôle afin de créer son propre personnage. Brandon Routh, lui, a vu les premiers Superman. Mais il s'est laissé guider par Bryan Singer: «Il sait exactement ce qu'il veut pour chaque scène, chaque plan. Il a une salle de montage dans la tête», dit le comédien avant d'affirmer ne pas craindre la «malédiction» qui plane sur ceux qui ont incarné l'homme d'acier: tant George Reeves que Christopher Reeve ont eu de la difficulté à obtenir d'autres rôles après avoir joué Superman. «Je n'ai pas peur d'être identifié au personnage, conclut-il. Je pense être assez talentueux et créatif pour décrocher d'autres rôles.»
Il dit cela sans prétention. Mais, peut-être, un peu de naïveté...
source: cyberpresse.ca
